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- FRÉDÉRICK LAURENT -

- FRÉDÉRICK LAURENT -

3 mai 2016 - Ciné Rencontre

Très jolie soirée en compagnie de Frédérick Laurent.
Pour la première fois nous avons pu apprécier ses 4 courts-métrages en une soirée unique, sur grand écran avec des copies toutes belles, fraichement numérisées !
Pour les malheureux qui ont raté cette soirée voici la biographie de Frédérick par un de ses amis et ami du Cinéma Arletty : Jean-Michel Forest

Frédérick Laurent ou La Passion Cinéma

On est à la fin des années 70 du siècle précédent, les petites salles ne sont pas toutes fermées et Frédérick est un spectateur assidu des séances du Korrigan à Etables sur Mer, là où il a grandi et où il passe de nouveau une grande partie de l’année.
A-t-il neuf ou douze ans quand il y découvre Shinning de Stanley Kubrick, le premier Alien, celui tourné par Ridley Scott ou la comédie musicale Grease ? A cette époque, malgré l’heure tardive mais avec la complicité de sa soeur aînée Catherine, très cinéphile, il regarde en cachette de leur mère les films du Ciné Club ou du Cinéma de Minuit diffusés à la télévision. Parfois, le réalisateur et ami de la famille Robin Davis ( J’ai épousé une ombre, La Guerre des polices…), passe à la maison. Frédérick l’écoute avec enthousiasme lui parler de cinéma, de ses tournages,… : Ses premières leçons de cinéma.
A 15 ans, il part à Paris, ne fréquente pas le lycée au delà de la seconde, qu’il ne terminera d’ailleurs pas. A 17 ans, il est indépendant et gagne sa vie en faisant des petits boulots avant de trouver enfin des stages sur des plateaux. Il participe à de nombreux tournages de pubs, de clips puis à des films en tant que stagiaire. A cette époque, on pouvait encore apprendre sur le tas, sans diplôme. A 19 ans il devient assistant réalisateur à part entière. Il enchaine des longs métrages, des téléfilms, des séries, des courts métrages pendant plus de 14 ans. Il est aussi parfois assistant et cadreur pour un grand reporter qu’il accompagnera pendant deux semaines en Roumanie entre décembre 89 et janvier 90 pour couvrir la révolution roumaine. Le reportage sera diffusé au 20h de TF1.

A 22 ans, l’envie de réaliser un court le démange. Est-il fait pour ça ? Il doit se le prouver. Ça sera « Le Retour de l’enfant prodigue », une adaptation filmée d’une nouvelle d’André Gide. Il en est le réalisateur, le producteur et le co-scénariste. L’argent de la production, il le trouve en devenant pendant un an livreur de Couscous à Paris. Le numérique n’existait pas encore. La pellicule et son développement coutent très cher. Quand on parle de passion … ! Le conseil général des Côtes d’Armor lui donne une petite subvention car est tourné à Etables et ses environs en quelques jours de juin1994. Les amis bretons participeront au film, devant ou derrière la caméra. Ce 1er court métrage sera ensuite acheté et diffusé sur France 3 en 1995, puis par TV BREIZH en 2001 et sera remarqué par les Cahiers du Cinéma.
D’emblée, et malgré un budget extrêmement serré, on apprécie une maîtrise de la caméra, des plans, des séquences pour raconter en images une histoire venue de la littérature. Il n’ y a pas de paroles en trop pour camper les personnages, les dialogues sont simples et directs. En 24 minutes, on se trouve devant un récit complet qui couvre plusieurs années passées et à venir. Le court est un exercice difficile, car il s’agit de nouer et de dénouer une intrigue en peu de temps, d’évoquer en quelques images une foule d’émotions et de sentiments. L’exercice est ici particulièrement réussi.

Pour financer son deuxième Opus « Origami », un moyen métrage de 38 mn, et après avoir essuyé quelques refus de sociétés de productions, encore une fois Frédérick livrera des couscous. Une galère d’un an et demi au bout de laquelle, le film écrit et produit par ses soins pourra être tourné en 9 jours dans des conditions assez difficiles confie-t-il.
L’oeuvre portera la trace de cette ou ces galères puisque le héros pour payer ses études de médecine livre les Couscous de Mr Halimi, authentique patron de la maison « Allo Couscous » et qui joue son propre rôle dans l’histoire imaginée par l’auteur. On peut d’ailleurs se demander jusqu’à quel point, ici, le réel interpénètre la fiction. Une belle histoire de hasard, de rencontre, d’amour fou raconté au travers d’une beauté formelle indéniable, un mécanisme d’horlogerie dans la succession des plans et des séquences. Ce moyen métrage sera très remarqué, sera plusieurs fois projeté à Paris et sera sélectionné par le festival « Paris capitale du film art et essais. Il sera dans ce cadre distribué au Max Linder. La Télévision Suisse Romande ( TSR ) l’achètera et le diffusera à plusieurs reprises. Il sera sélectionné par divers festivals dont celui international de St Pétersbourg, et celui de Villeurbanne où il fut primé en 1998. Ce film fait encore aujourd’hui partie de la sélection de films de VODmania, vidéo à la demande consacrée aux courts métrages sur la Freebox.

Puis Frédérick veut franchir le pas, faire son 1er long métrage. Il connaît une longue période où se confronte à l’écriture d’un long, puis d’un autre. Les projets sont sur le point de se réaliser mais n’aboutissent finalement pas. Il doute, cesse son travail d’assistant réalisateur, fait divers petits boulots, voyage à New York et à Sourabaya, ( Peut-être dans le vagabondage un clin d’oeil à Blaise Cendrars et ses Pâques à New York, à coup sûr un clin d’oeil à Joseph Conrad, à « Victory. ) ».
Enfin en 2009, lorsque Ynda Rouya, sa compagne d’alors et comédienne, lui demande de réaliser une partie de sa « bande démo » (petits films destinés aux agents ou aux réalisateurs pour montrer le savoir faire de l’actrice), Frédérick reprend confiance en lui et en sa carrière de cinéaste. En quatre heures de tournage et avec 3 amis techniciens, ce petit court est tourné. Pendant le montage, le monteur sent que ce petit film n’est pas qu’une simple bande démo et invite Frédérick à l’inscrire au concours Ligne de Courts organisé par France TV. (Concours à destination des films de moins de 5 mn). Ce court-métrage de 4 mn et intitulé « A Vif » est sélectionné et élu par les internautes Lauréat du concours « Ligne de courts 2010 ». Il est donc acheté et multidiffusé par France 3 mais aussi sélectionné au Digital Film Corner du Festival de Cannes 2012 où il sera projeté.
« A Vif » est un monologue tragique de 4 mn où la voix de la comédienne, la succession des plans qui éclaire son visage, les mouvements de caméra autour de son corps, le montage créent un huis clos où suinte l’angoisse de ceux qui se savent à tous les moments de leur vie expulsables et condamnés à mort par l’intégrisme, s’ils reviennent au pays. C’est le cri de douleur et d’angoisse de ceux qui ne comprennent pas qu’ils n’ont pas de place dans un pays qu’ils avaient imaginé fraternel. Télérama parle « d’un ton personnel bouleversant et d’une vraie maîtrise du montage ».

Frédérick a repris confiance en lui. Il entreprend l’aventure de ce qui sera « L’aveugle et la Cardinale » : un court de 20 mn où la poésie est maîtresse du jeu et dans lequel joueront Hafsia Herzi (césar pour La Graine et le Mulet ), Thomas Coumans, Lena Paugam (comédienne dans L’ombre des femmes de Garell et créatrice du Lynceus Théâtre), Cyril Durel, Jean Kergrist… Et Claudia Cardinale.
En 2012 Frédérick revient au pays, à Etables sur Mer. C’est de là qu’il peaufinera son film et c’est à St Brieuc et à Rennes qu’il rencontrera les producteurs qui permettront à son 4ème court de voir le jour : France 2, TV Rennes, préachètent le film. Le département des Côtes d’Armor le soutient également. Pour la 1ère fois Frédérick ne sera pas obligé de financer et de produire lui-même son film.

Rencontre, hasard, émerveillement, voilà les thèmes qu’on retrouve dans « L’aveugle et la Cardinale », comme dans Origami. Mais c’est la face claire de ce qui arrive qui est montrée cette fois. En tout cas, j’aime cette caméra qui fouille le visage des acteurs, cette caméra à la recherche de l’émotion. Et j’aime aussi ce découpage des plans qui donne une grande fluidité à l’histoire. C’est ça le cinéma : raconter en images.
Saluons au passage, l’obstination et l’opiniâtreté de Frédérick qui ont convaincu la grande actrice qu’est Claudia Cardinale de jouer pour le 1ère fois de sa carrière quelque secondes dans un court métrage et cela contre l’avis de son agent.


Dans le même temps que se préparait « L’Aveugle et le Cardinale », Frédérick se lançait en collaboration avec Renaud Martinez dans l’écriture d’un long métrage qui a pour titre « Walter ». En 2014 le scénario est sélectionné par la maison des scénaristes au Festival de Cannes où il fut très remarqué. Ce sera une tragi-comédie burlesque, un film rock, poétique dont l’action se déroule ici, en Bretagne, dans les Côtes d’Armor. Le film attend son montage financier…

Quand « tout fout l’camp », c’est bien à l’Art qu’on se raccroche. « A vot bon coeur », messieurs les politiques et les administrateurs …
Qui a dit « l’ Art est un anti-destin » ?